Lors de certaines infections, la présence d’une immunité préexistante à l’infection (d’origine naturelle ou vaccinale) peut favoriser des formes graves de cette infection : soit parce que les anticorps préexistants facilitent l’infection de cellules immunitaires (macrophages en particulier) (phénomène dit « d’anticorps facilitants »), soit parce l’orientation de la réponse immune induite par le vaccin favorise une réaction inflammatoire délétère.
Ce phénomène dit « d’anticorps facilitants » existe, par exemple, avec la dengue : un antécédent d’infection par l’un des 4 sérotypes de la dengue expose à un risque plus élevé de dengue grave en cas d’infection ultérieure par l’un des 3 autres sérotypes. Ce risque est également décrit avec la vaccination contre la dengue : les personnes vaccinées et qui n’ont jamais été infectées par l’un des 4 sérotypes du virus de la dengue ont un risque accru de faire une forme grave de dengue (ce risque n’est par contre pas décrit chez les personnes vaccinées et qui ont par ailleurs un antécédent de dengue).
Le phénomène de polarisation délétère de la réaction inflammatoire macrophagique a été observé avec un vaccin vecteur viral basé sur un poxvirus, le Modified Vaccinia Ankara (MVA) dans un modèle primate non humain d’infection par le SARS-CoV, et avec d’autres vaccins anti-SARS-CoV dans des modèles murins. Les anticorps délétères étaient des anticorps anti-Spike dirigés en dehors du Receptor Binding Domain (RBD), conduisant certaines équipes à n’utiliser que ce domaine dans le développement d’un vaccin. En ce qui concerne le SARS-CoV-2, aucune donnée in vitro ou in vivo dans les modèles animaux d’infection virale ou dans les essais cliniques vaccinaux ne suggère que ce risque est présent. Cela a fait néanmoins l’objet d’une attention particulière au cours du développement des vaccins contre le SARS-CoV-2. Le nombre de participants inclus dans les études ayant conduit aux AMM pour les vaccins de Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca, Sputnik V etc. tend à démontrer que cet effet n’est pas présent au cours de l’infection par le SARS-CoV-2. Comme d’autres effets hypothétiquement possibles, cela est également surveillé dans le cadre de la pharmacovigilance en vie réelle (phase 4).
Source : SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française), 15/02/2021.